18 novembre 2015

Argumenter et convaincre

Qui n'a jamais eu besoin d'argumenter sur un sujet précis afin de convaincre l'autre d'aller dans une direction voulue ? Voici un article qui décode les mécanismes de l'argumentation.

3 points clés pour convaincre

  • Donner du sens
  • Avoir un intérêt
  • Etre compétent (expertise, délai, ressources disponibles)
Travailler sur ces 3 points permet de créer du lien avec l’autre, le comprendre et détecter ses points de blocage.
Pour convaincre, il y a une dose de manipulation positive et cela repose sur un élément personnel des gens : est-on considéré comme « sains » par rapport à la situation ?
Dit autrement, si l'autre considère la situation malsaine pour lui, il n'ira jamais vous suivre quelquesoit l'argumentaire avancé.

Comprendre le comportement

On appelle SCG le « Système Central de Gestion » d’un individu.
Un stimuli (message) envoyé au SCG provoque une réaction, qui est soit "adaptée", soit "non adaptée":
 
 
 Il y a donc 3 leviers possibles, modifier :
  1. La chose
  2. L’environnement (au sens contexte)
  3. L’objectif
Pour qu’une argumentation soit valable, il faut une suite de concessions mutuelles équitables.
Mais attention argumenter et convaincre:
  • Ce n’est en aucun cas changer l’autre
  • C’est donner les infos à l’autre pour qu’il se fasse sa propre analyse/conviction

Différents environnements 

 

Principes de bases du SCG

 
Pour viser une réaction souhaitée, si cela ne fonctionne pas, c’est que l’une des valeurs, intérêts ou compétences n’est pas satisfaite

4 types d’intérêts

Voici les 4 types d'intérêts d'une personne:
Echainement pour une évolution:

Echainement pour un changement en rupture:

Les styles de communication

Pour argumenter et convaincre, selon la configuration de l’autre, le comportement doit être adapté. Les facteurs à prendre en compte portent sur le cadre de la situation, la compétence de la personne/groupe, ainsi que la motivation qui symbolise le niveau d’énergie prêt à être consenti.
Selon ces facteurs, le style de communication est à adapter :
  • Motivée et compétente: style « délégatif » (il faut envoyer le stimuli seulement)
  • Pas motivée et compétente : style « soutien » (chercher ce que l’autre n’a pas compris)
  • Motivée et pas compétente: style « coach » ou « formateur/accompagnateur » (transférer l’expertise, agir sur les délais et les ressources)
  • Pas motivée et pas compétente: style « directif »
Les styles et les actions à mener
  • Style délégatif : fixer un objectif, une tâche, tracer le cadre de la délégation, les points de contrôle et la communication réciproque
  • Style soutien : fixer l’objectif clairement en valorisant les compétences, solliciter les idées de l’autre pour le faire adhérer, adapter les solutions selon la marge de manœuvre, suivre et évaluer
  • Style « coach » : être convaincu soi-même et expliquer le pourquoi, être précis dans les interrogations de l’autre, transférer le savoir-faire et contrôler
  • Style « Directif » : affirme froidement, sans détour et les attentes pour quand, vérifie la bonne compréhension et contrôle l’exécution
Les contrats managériaux sous-jacents sont :
  • Motivation + / Compétence + : Développement
  • Motivation - / Compétence + : Responsabilisation
  • Motivation + / Compétence - : Formation
  • Motivation - / Compétence - : Changement

Processus

4 étapes clés :
  • Le cadre
  • Le problème
  • L’intention
  • L’envie
Ex. « Mon intention est que cela revienne à l’équilibre comme avant, pour toi et pour moi »

Etapes de résolution de problèmes

  • Enoncer le problème : définir ce qui ne va pas, recenser les faits (QQCOQP)
  • Définir un objectif : quel résultat SMART (simple, mesurable, atteignable, réaliste, temporellement défini) est à atteindre ?
  • Analyser les causes : pourquoi les faits se sont-ils avérés ? méthode 5 pourquoi
  • Elaborer des solutions : que faut-il faire pour que le couple Cause/Effet disparaisse
  • Mettre en œuvre : quel est le planning, qui fait quoi, quand ?
  • Suivre : s’assurer que le résultat atteint est conforme aux attentes
Note : On retrouve les principes DMAIC du Lean Six Sigma (Define, Measure, Analyze, Improve, Control)

 

Les automatismes 

Exemple :
  • « A » parce que « B » : justification
  • « B » donc « A » : argumentation (plus robuste que la justification)
Différents chemins possibles pour atteindre un résultat:
Il existe une infinité de chemins pour passer d'un point A à un point B . Prenons l'exemple d'un bateau qui doit se rendre à un port. Le phare symbolise l'orientation. On ne cherche pas à l'atteindre mais plutôt un port où débarquer.
Pour y parvenir, il faut voir le phare pour s'orienter, connaitre les vents favorables pour s'aider ainsi que connaitre les freins qui empêchent d'avancer:
Ainsi, dans une argumentation, il faut visualiser la situation de départ et le "rêve" à accomplir, ainsi que les chemins étapes par étapes à parcourir.

Dans le jeu, 3 rôles

 
Si l’autre rentre dans un jeu, le but est d’y entrer consciemment pour se positionner comme sauveur.
Différents jeux :
  • SVP: Sauveur/Victime/Persécuteur
  • JTTMS : « Je te tiens mon salaud ! » en persécutant l'autre
  • Aime-moi : « si tu fais pas ça, je ne t’aime pas ! »
Comprendre les mécanisme de jeu et détecter consciemment que l’autre rentre dans un jeu, permet d’y entrer aussi, et de le ramener en mode « sécurisé » et enfin réussir à argumenter, puis convaincre sur une base factuelle et rationnelle

Les désaccords

  • Léger (sur les faits ou sur l’interpretation des faits)
  • Lourd (sur les buts, sur les méthodes ou sur les valeurs)
Un conflit est un désaccord qui « pourrit ».
Le but d’un manager est de placer son équipe en « performance » c’est-à-dire :
  • Il préserve l’équipe  (intelligence analytique)
  • Il enlève l’insécurité (intelligence émotionnelle)
  • Il met en place les rôles/responsabilités (intelligence collective)
Le conflit

Orientation de la motivation

  • Résignation
  • Fuite
  • Adaptation
  • Rebellion
 
La règle n’est pas de trouver les bons arguments pour éviter le conflit mais plutôt d'entrer en conflit pour trouver les bons arguments.

Conclusion

L'argumentation est quelque chose qui se développe chez l'individu au fur et à mesure de sa propre expérience personnelle. Malgré les quelques clés, processus et outils présentés ci-dessus, cela reste néanmoins un apprentissage au quotidien.
La pleine conscience des rouages sous-jacents permet de monter en maturité sur ce sujet et le décodage des situtations en devient alors facilité. Votre terrain devient alors votre terrain de jeu.
 

Méthode des 5 pourquoi, expliquée pas à pas


Voici les étapes détaillées pour réaliser un 5 pourquoi.

Etape 1, les étonnements (optionnel)

Cette étape peut être ignorée si le sujet est relativement simple à aborder et que le nombre d'intervenants concerné est faible.
S'il y a suspicion de multiples causes ou un nombre important de contributeurs (supérieur à 5) il peut être envisagé de collecter les étonnements individuellement au préalable d'une séance collective.
  • Collecter les étonnements de manière individuelle sous forme de "pourquoi ... ?" (C'est une étape de préparation à traiter par mail et à synthétiser dans un tableau)
  • Transformer les éléments recueillis en faits

Etape 2, le classement et la détection des symptômes

  • Classer les faits de l'étape 1 selon un diagramme d'Ishikawa 8M (à faire par l'animateur) ou bien identifier les faits marquants en interviewant le principal acteur concerné par le problème
  • Identifier les évènements ou symptômes et les trier par ordre chronologique
  • Se poser la question de l'absence de contenu dans l'une des quelconques branches du 8M

Etape 3, la séance de 5P


  • Passer en revue séquentiellement les évènements par ordre chronologique (c'est plus simple de rejouer le film dans son sens de déroulement)

La technique d'exploration repose sur le questionnement:

Depuis le "fait A":
  • pourquoi A ?
  • "Parce que B": B devient un fait avéré (attention aux hypothétiques suppositions non affirmées qui peuvent fausser l'identification des vraies causes racines)

  • Pourquoi B ?
  • "Parce que C": C devient un nouveau fait

A noter que B peut contenir plusieurs "parce que"

De cette manière, un arbre se construit de proche en proche. Chaque "pourquoi" développe un nouveau niveau d'où le nom de la méthode du 5 pourquoi (5 niveaux).

On considère que 5 niveaux d'exploration sont suffisants mais on peut s'arrêter avant ou développer d'avantage.

Si l'on atteint les 5 niveaux ou bien que l'on ne peut plus développer une branche, il est fort probable de tomber sur une cause racine.

Etape 4, la consolidation


Deux actions permettent la consolidation:

  • Relire l'arbre dans le sens remontant avec la lecture suivante: B donc A
    • S'il y a une incohérence, reprendre la formulation
  • Passer en revue l'ensemble exhaustif des faits identifiés et classés en étape 2 et vérifier qu'ils sont bien pris en compte et intégrer ceux restants

Etape 5, les causes retenues


  • Choisir dans la liste des causes (feuilles terminales de l'arbre) celles qui sont retenues pour  plan d'actions ultérieur ("renoncer, c'est choisir !").
Cela peut donner lieu à des plans d'actions curatifs, préventifs ou amélioratifs:
  • curatif: permet de corriger le défaut (définitivement ou provisoirement)
  • préventif: permet d'éviter que cela se reproduise
  • amélioratif: permet d'améliorer le processus 

Etape 6, la construction du plan d'action


  • Lister les actions, les prioriser selon une matrice 9 cases.

Pou chacune, identifier un pilote de l'action et une échéance cible de clôture attendue de l'action.

Conseil: formaliser ces actions dans un tableau multi-colonnes: action, priorité, pilote, échéance, un statut d'avancement (VOR=Vert-Orange-Rouge) et une tendance, des colonnes P,D,C,A qui contiendront les dates de franchissement des étapes, puis un semainier à partir de maintenant jusqu'à la date cible de fin.

Etape 7: la réalisation du plan d'actions


Il convient de définir les modalités de pilotage, rituels, fréquence, participants dans un premier temps.

Un comité de suivi régulier permettra de passer en revue les actions selon un mode agile:

  • Qu'est-ce qui a été fait depuis la dernière fois? A-t-on franchi des étapes du PDCA ?
  • Qu'envisage-t-on de faire pour le prochain comité ?
  • Est-ce qu'il y a des points de blocage qui empêchent/empêcheront d'avancer?

Pièges à éviter


Plusieurs piège existent, voici ci-dessous les principaux
  • le premier est de ne pas être factuel: il est important de se concentrer sur les faits et ni des "on dit" ou bien "je pense que"
  • ensuite il y a un piège portant sur la fenêtre de temps "explorée" de l'évènement (décrit ci après):
Dans un évènement à problème il y a 3 phases: avant que le problème arrive, lorsque le problème arrive et lorsque le problème est résolu (phase de résolution du problème).
  1. Avant que le problème arrive: on évoque bien souvent ici les systèmes d'alerting ou de monitoring d'un dispositif, "est-il opérationnel ?", "a-t-on eu une alerte préventive ?", ...
  2. Lorsque le problème arrive: "que s'est-il passé ?", "quelles ont été les impacts business ou clients ?"
  3. Lorsque le problème est résolu: il s'agit ici du rétablissement du service au nominal, "a-t-on remis en état nominal rapidement pour limiter l'impact ?", "les processus ont-ils été appliqués ?"
Les 3 phases sont importantes et peuvent (ou doivent) être explorées, bien que la phase 2 soit la plus importante puisqu'au cœur du sujet.
Pourquoi cette distinction est importante, c'est simplement pour ne pas considérer une cause racine en priorité portant sur les phases 1 et 3: par exemple, retenir comme action principale de "mettre en place un système d'alerte" ou "pouvoir contacter tel acteur qui n'a pas été assez rapide pour traiter la remise en état". On voit dans ces exemples, certes importants à travailler, que l'on peut vite se détourner du problème lui-même.

En conclusion, le 5 pourquoi est un outil puissant qui fournit un cadre de travail structuré qui va permettre de mobiliser les contributeurs selon un objectif à atteindre, comprendre ce qui s'est passé (poser le problème), le décomposer, identifier un plan d'actions curatif (éviter que le problème se reproduise) ou préventif (anticiper sur l'apparition du problème).
L'outil n'est pas une fin en soi, il sert à formaliser un Retex (Retour d'Expérience) qui permet d'engager des actions concrètes d'amélioration.
Bon usage.